BlackBerry abandonne son smartphone Classic

BlackBerry Classic
BlackBerry Classic

Source: Le Monde

C’est la fin d’une époque chez BlackBerry. Mardi 5 juillet, le groupe canadien a officialisé l’arrêt de la production du Classic. Commercialisé depuis décembre 2014, ce smartphone devait être l’héritier des modèles qui avaient fait le succès de l’entreprise jusqu’à 2011. Il en reprend l’apparence et surtout le clavier physique, si cher aux aficionados de la marque. Mais l’appareil est resté un produit de niche et n’a pas réussi à mettre fin à l’inexorable déclin des ventes de la marque.

« Le Classic et ses prédécesseurs ont fait partie de notre gamme pendant de nombreuses années. Ils ont nettement dépassé la durée moyenne des smartphones », justifie Ralph Pini, le responsable des terminaux chez BlackBerry.

Le Classic reste disponible à la vente jusqu’à l’épuisement des stocks, précise le groupe.

« Le tactile a gagné »

Avec l’arrivée de l’iPhone d’Apple en 2007, puis du système Android de Google l’année suivante, le marché s’est déplacé vers les appareils entièrement tactiles, dotés d’écrans toujours plus grands.

« BlackBerry entérine le fait que le tactile a gagné, estime Carolina Milanesi, analyste chez Creative Strategies. Un clavier physique n’est plus nécessaire pour taper vite et avec précision. Et, même si certains le pensent encore, le marché est désormais très limité. »

La décision de BlackBerry s’inscrit aussi dans un processus de transition vers Android. Le Classic tourne sous le logiciel maison BlackBerry 10. Présenté en 2013, celui-ci n’a séduit ni les particuliers, ni les professionnels, pourtant la cible privilégiée de la société. Arrivé trop tard, le système d’exploitation (OS) a notamment souffert de la faiblesse de son catalogue d’applications. La société de Waterloo (Ontario) promet cependant de ne pas abandonner ses utilisateurs, indiquant que deux mises à jour sont d’ores et déjà planifiées.

Constatant cet échec, l’ancienne gloire du smartphone a reporté ses espoirs sur les terminaux Android. En particulier le Priv, un appareil haut de gamme doté d’un clavier coulissant. « Il combine le meilleur de la sécurité et de la productivité offertes par BlackBerry avec le vaste écosystème d’applications disponible sur Android », assurait John Chen, le directeur général de la société, au lancement en novembre 2015. Destiné en priorité aux entreprises, l’appareil n’a pourtant pas trouvé son public.

Entre avril et juin, BlackBerry n’a ainsi écoulé que 500 000 smartphones, soit une baisse de 100 000 unités par rapport au trimestre précédent. Ce chiffre est à comparer aux 82 millions de téléphones vendus par Samsung et aux 51 millions d’iPhone livrés par Apple au cours des trois premiers mois de l’année. La part de marché mondial de la société est ainsi tombée à 0,2 %, selon le cabinet Gartner. Il y a encore cinq ans, elle tournait autour des 20 %.

Obama a délaissé le sien

Malgré la multiplication des plans sociaux, le groupe accumule toujours les pertes. Entre avril et juin, période qui représente le premier trimestre de son exercice, il a accusé un déficit de 670 millions de dollars (606 millions d’euros). Son chiffre d’affaires a chuté de 39 % par rapport à 2015, n’atteignant que 400 millions de dollars.

BlackBerry doit également faire face à la perte de clients historiques, comme les gouvernements et les banques. La semaine du 27 juin, le Sénat américain a expliqué à ses collaborateurs qu’il n’achèterait plus d’appareils de la marque. En juin, le président Barack Obama avait révélé qu’il avait été autorisé à délaisser son BlackBerry.

« Il existe aujourd’hui suffisamment de solutions de courrier électronique et de gestion de flotte d’appareils pour sécuriser les iPhone et les appareils Android », souligne Mme Milanesi.

M. Chen se veut cependant confiant. Le dirigeant assure que la division mobile devrait renouer avec la rentabilité en fin d’année grâce à une forte réduction des dépenses. Pour cela, l’entreprise canadienne a noué un partenariat de sous-traitance avec le géant taïwanais Foxconn, qui s’occupe désormais de la fabrication des terminaux bas et moyen de gamme. Deux nouveaux smartphones Android, entièrement tactiles, devraient être lancés à l’automne.

Si BlackBerry n’atteint pas son objectif, M. Chen n’exclut pas d’abandonner pour de bon le marché des smartphones. Depuis sa prise de fonctions, il y a près de trois ans, il a, en effet, lancé une vaste transformation : réorienter la société vers la fourniture de logiciels et de services aux entreprises, même celles utilisant des iPhone ou des téléphones Android.

« Plus les clients traditionnels abandonnent BlackBerry 10, plus il devient difficile de poursuivre la production de terminaux », note Mme Milanesi.

L’activité des services et logiciels compte 3 300 clients et représente 35 % du chiffre d’affaires. Autre signe positif : 74 % des ventes proviennent de contrats signés pour plusieurs années. « Nous sommes très satisfaits de notre dynamique », se félicitait, en juin, le patron de BlackBerry lors de la présentation des résultats. Et de regretter : « Malgré tous mes efforts, toutes les questions que l’on me pose ne concernent que les smartphones. »